Pubblico la lettera qui di seguito per farci riflettere. Mi chiedo dove sono questi uomini? Questa categoria si è estinta?
Monsieur Pierre PFLIMLIN
Président du Parlement européen,
Plateau du Kirchberg 9,
L - 2929 LUXEMBOURG
Monsieur le Président,
Je serais venu ces jours-ci vous
rendre visite, mais je suis encore retenu au lit à l'Hôpital
Brugman où j'ai subi, le 21 aout, une dernière intervention chirurgicale longue et complexe. Pangloss dirait que
tout est allé pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles.
Je commence à reprendre mes
forces, mais je suis encore trop faible pour venir vous parler et les heures
pour penser et décider de ce qu'il faut faire à la prochaine session du Parlement sont comptées.
Je vous écris donc.
Le Parlement européen et la
Conférence intergouvernementale des ministres
des affaires étrangères ouvriront leurs travaux le même jour, et le Président du Conseil vous a déjà informé
que les modalités de la participation du Parlement à l'élaboration des réformes nécessaires seront
examinées dès le début de la Conférence.
Puisque les opinions des différents gouvernements ainsi que de la Commission exécutive sur ce sujet sont non
seulement différentes mais aussi fluctuantes et la tendance à rechercher einen faulen Kompromiss sera forte, le Parlement devra, d'entrée de jeu, le lundi même, parler haut, clair et de façon "menaçante" en obligeant les ministres de la Conférence à assumer leurs responsabilités.
Pour atteindre ce but, je ne vois pas plusieurs chemins possibles. Je n'en vois qu'un
seul que je résumerai de la manière suivante.
1. Le Président de l'Assemblée est le seul qui a le droit de parler au nom de l'Assemblée - à
moins que celle-ci ne le désavoue ce qui, dans les circonstances actuelles, n'est pas pensable -.
Normalement, le Président ne fait pas en séance de discours politiques, mais
la situation est tellement exceptionnelle que cette fois-ci, immédiatement après avoir déclaré la reprise des travaux, vous devriez annoncer que vous avez quelque chose à dire au Parlement, aux Européens, aux
Ministres réunis en Conférence, aux gouvernements des pays membres.
Ce serait une chose superbe si votre
mise en .garde pouvait être suivie le
lundi même par un bref débat et le vote d'une courte résolution affirmant que le Parlement européen, ayant entendu
les déclarations de son Président, les approuve et passe à l'ordre du jour.
Je ne connais pas assez notre règlement pour savoir si un tel débat et un
tel vote sont possibles,
mais vos services seront à même de vous le dire. Si le risque existe que les
anti-européens proposent des débats sur les déclarations du Président à des dates ultérieures en vue de "noyer le poisson", mieux vaudrait faire délibérer par le bureau que votre discours étant une mise
en garde de l'Europe et non un point à l'ordre du jour, nul débat ne lui fera
suite. ·Le Parlement en parlera lorsqu'il examinera la
réponse de la Conférence aux requêtes de participation du Parlement aux travaux
constituants.
Puisque en tout cas - avec ou
sans débat - votre allocution
sera très fortement applaudie, et très faiblement sifflée, personne ne pourrait mettre en doute que le
Parlement se reconnait dans vos paroles.
2. Votre discours devrait constater avec
amertume que le Parlement européen
est l'institution ayant mis en branle les événements qui ont mené à la Conférence
intergouvernementale; qu'il a déjà maintes fois demandé que l'élaboration du projet définitif de réforme soit exécutée en partnership entre la Conférence des ministres et le Parlement; que jusqu'à présent, il n'a reçu aucune réponse, comme s'il s'agissait de n'importe quel centre politique privé et non du seul représentant légitime des
citoyens européens en tant que tels.
Puisqu'enfin la Conférence va fixer ses idées et le Président Poos vous annonce qu'elle a l'intention de nous octroyer "les modalités selon lesquelles pourront se dérouler nos contacts", il est bien qu'elle sache que le Parlement serait
profondément offensé si elle venait lui proposer de l'informer ou de le consulter sur l'état d'avancement
de ses travaux et de demander son opinion finale sur un texte élaboré par d'autres.
3. Le Parlement européen n'admettra
pas qu'un événement aussi important que la préparation des
nouvelles lois constitutionnelles de la Communauté soit soustrait à
la compétence des représentants européens des citoyens de
l'Europe, et réservé à
celle de quelques ministres et de quelques hauts
fonctionnaires nationaux.
4. Votre discours devrait conclure en affirmant votre certitude que le Parlement ne
votera plus d'autres résolutions pour réitérer ses exigences, l'ayant déjà fait plusieurs fois de manière
exhaustive et claire. Il est évident que les gouvernements croient pouvoir ignorer les résolutions du Parlement européen
parce qu'ils considèrent celui-ci comme dépourvu d'instruments aptes à imposer le respect de sa volonté. Qu'ils
sachent donc que si le Parlement européen
devait recevoir une
réponse négative, il en tirerait la conséquence que
ce n'est pas une Europe efficace et
démocratique qu'on veut bâtir mais une Europe inefficace des bureaucrates et des intérêts corporatifs.
Vous devriez rappeler que le
Parlement européen dispose de trois armes et exprimer votre conviction ferme -
non votre espoir - qu'il en fera usage rapidement, s'il était exclu de la
participation pleine, responsable et réelle à l'élaboration de la
constitution de l'Europe.
Le Conseil ne peut en effet statuer sur aucune
proposition de règlement ou de directive si le Parlement n'a pas donné son avis.
La Communauté n'a pas de budget si
le Parlement le rejette. La Commission doit démissionner si le Parlement vote sa censure.
En d'autres termes, le Parlement ne possède aucun
pouvoir réel législatif et fiscal de contenu positif, mais il possède la terrible potestas tribunicia qui a permis aux tribuns
sous la menace de
la paralysie de la chose publique, de transformer la république romaine de la "cosa nostra" des patres en la chose du peuple.
Certes, l'emploi de ces armes signifierait une crise institutionnelle extrêmement
grave pour la construction européenne. Mais si les gouvernements nationaux
s'obstinent dans leur défense myope des compétences et pouvoirs anachroniques de
certaines de leurs
administrations en les camouflant en intérêts vitaux nationaux, Le Parlement doit les arrêter et les mettre devant
leurs responsabilités.
L'Europe n'est plus compatible avec cette myopie politique.
5. Le Président doit obliger à choisir,
confiant qu'une partie des ministres est de notre côté et qu'une mauvaise
conscience diffuse règne dans l'esprit des
autres. les probabilités de les voir céder devant un Parlement résolu sont par
conséquent grandes. Si par ailleurs, le Parlement n'avait pas l'audace
d'annoncer et de mettre en œuvre sa menace, s'il avait peur d'affronter cette seule
bataille possible pour la démocratie européenne, il signerait lui-même sa
propre défaite, et avec elle, la défaite de l'Europe.
Voilà, Monsieur le Président, le
contenu du discours qu'à mon avis vous devriez et vous seul pourriez faire avec
l'autorité nécessaire le lundi 9 septembre.
Veuillez ne pas considérer ma
suggestion comme le produit d'une âme agitée. J'ai vécu ces jours-ci dans un
état d'esprit tranquille et détaché, presque de sage bouddhiste. Ma proposition
nait d'un certain sentiment profond qui me hante, que nous sommes à une croisée des
chemins dans la construction européenne. Si le Parlement ne menace pas, s'il permet
dass die Weichen gestellt werden dans
!e sens d'une construction européenne faite par les ministres et les administrations
nationales, les choix ne pourront plus pour longtemps être modifiés et ce
Parlement se sera émasculé lui-même. Le monde des anges lui sera peut-être
ouvert comme à Origène, mais le monde des hommes lui sera fermé pour toujours. En
tout cas, cher ami, en suivant
mon conseil, vous n'aurez rien à perdre en cas de défaite et tout à gagner en cas de succès -comme dans
le pari de Pascal.
Dois-je vous dire dans quelle
mesure j'ai confiance en vous ?
Je compte sur vous et vous souhaite santé, vigueur et ténacité pour mener à bien votre, notre bataille.
Altiero Spinelli
Bruxelles, le 3 septembre 1985
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